Les anciens du village de Mijanès font face à des objets ayant appartenu à leurs aïeux. Ce vis-à-vis singulier entre humains et objets fait resurgir d’autrefois les gestes et les sons de la vie du village : le crissement des sabots le matin sur le chemin enneigé de l’école, le va et vient caractéristique de la pierre à aiguiser sur la faux posée sur l’enclumette, les coups de battoir des femmes sur le linge au lavoir.

De ce dialogue visuel entre les anciens et les objets hérités remonte le souvenir d’une époque révolue mais pas si ancienne: jusqu’au milieu des années soixante-dix, les habitants de Mijanès menaient une vie entièrement dédiée à leur subsistance grâce à la culture de leurs lopins de terre et à l’élevage de quelques vaches et moutons. Une vie dure, austère, rythmée par les saisons et la répétition.

Rattachée moi-même à Mijanès par ma grand-mère maternelle qui y a vécu, j’ai eu à cœur de préserver la mémoire de cette histoire et j’ai sollicité les anciens du village pour qu’ils témoignent de l’héritage familial et culturel qui est le leur. Je leur ai demandé de me montrer un objet qui avait appartenu à un de leurs parents ou grands-parents et de me raconter leurs souvenirs de la vie du village : un ensemble d’évènements et de scènes quotidiennes qui mis bout à bout dessinent la fresque de la vie de Mijanès avant que ses habitants quittent peu à peu le village. Une histoire de la campagne ariègeoise avant la déprise agricole et l’exode rural.

Cette mémoire est précieuse parce qu’elle constitue une partie du patrimoine de la France rurale et du monde paysan. Elle est toujours pertinente parce qu’elle nous interroge, par opposition, sur notre présent, sur notre mode de vie actuel, sur les enjeux socio-économiques autour de l’alimentation, de l’approvisionnement et de la préservation de l’environnement auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui.